« Prévenir l’aggravation de la crise écologique, et même commencer à restaurer l’environnement, est dans le principe assez simple : il faut que l’humanité réduise son impact sur la biosphère. Y parvenir est également en principe assez simple : cela signifie réduire nos prélèvements de minerais, de bois, d’eau, d’or, de pétrole, etc., et réduire nos rejets de gaz à effet de serre, de déchets chimiques, de matières radioactives, d’emballages, etc. Ce qui signifie réduire la consommation matérielle globale de nos sociétés. Une telle réduction constitue le levier essentiel pour changer la donne écologique.
Qui va réduire sa consommation matérielle ? On estime que 20 à 30 % de la population mondiale consomme 70 à 80 % des ressources tirées chaque année de la biosphère. C’est donc de ces 20 à 30 % que le changement doit venir, c’est-à-dire, pour l’essentiel, des peuples d’Amérique du nord, d’Europe et du Japon. Au sein de ces sociétés surdéveloppées, ce n’est pas aux pauvres, [aux assistés sociaux], aux salariés modestes que l’on va proposer de réduire la consommation matérielle. Mais ce n’est pas non plus seulement les hyper-riches qui doivent opérer cette réduction […] C’est à l’ensemble des classes moyennes occidentales que doit être proposée la réduction de la consommation matérielle.
On voit ici que la question de l’inégalité est centrale : les classes moyennes n’accepteront pas d’aller dans la direction d’une moindre consommation matérielle si perdure la situation actuelle d’inégalité, si le changement nécessaire n’est pas équitablement adopté. Recréer le sentiment de solidarité essentiel pour parvenir à cette réorientation radicale de notre culture suppose évidemment que soit entrepris un resserrement rigoureux des inégalités – ce qui, par ailleurs, transformerait le modèle culturel existant. »