Université du Québec à Montréal | École des médias
Le Chat (Philippe Geluck)
Les « lois » de l’économie sont des principes généraux qui permettent d’analyser les comportements économiques des individus en société. On connaît généralement la « loi de l’offre et de la demande », la « loi du marché »…
Ces lois, et en quelque sorte les bases de la théorie économique reposent sur un certain nombre de notions clés. Cette partie du cours permettra de définir quelques unes de ces notions.
Pour avoir de la valeur, tout bien doit être à la fois utile et rare.
« Tout moyen capable de satisfaire un besoin. Il existe une infinité de biens économiques différents. »
Un bien peut être matériel ou immatériel et se caractérise selon sa provenance, sa date de disponibilité, sa durabilité, les formes de sa consommation, etc.
« Chose matérielle ou droit qui est susceptible d’une appropriation légale et qui fait l’objet de prérogatives. »
(Équivalent anglais : Property)
« Droit de propriété sur une création de l’esprit, par exemple une œuvre littéraire, une découverte scientifique, une prestation artistique. »
(Équivalent anglais : Intellectual Property)
« Objet tangible d’utilité économique qui sert à la production ou qui est destiné à la consommation, et qui satisfait un besoin. »
(Équivalent anglais : Good)
« Forme d’activité économique, non concrétisée par le transfert de la propriété d’un bien matériel, et qui offre la satisfaction de besoins individuels ou collectifs aux ménages et aux entreprises. »
Les économistes distinguent parmi trois types de biens, selon l’élasticité de leur demande par rapport au revenu :
Bien dont la consommation diminue quand les revenus augmentent.
Bien dont consommation augmente légèrement quand le revenu augmente.
Bien dont la demande augmente plus vite que le revenu.
Mais certains biens n’entrent pas nécessairement dans ces catégories.
Un bien public est un bien
Un bien commun, une ressource commune ou tout simplement un commun, est un bien ou une ressource autogérée, gérée de manière autonome par une communauté qui en établit les droits et les règles d’utilisation.
En économie, selon leur utilité, les biens peuvent être considérés comme des actifs ou des marchandises
(Équivalent anglais : Asset)
« Personne, structure, installation, information, matériel ou processus ayant de la valeur. »
« Ensemble des biens matériels et immatériels détenus par un agent économique. »
(Équivalent anglais : Commodity)
Tout bien, service, processus – et par extension, tout animal ou personne – destiné à l’achat ou la vente.
La marchandisation est le processus qui fait passer les biens de leur valeur d’usage à leur valeur marchande, bref, à rendre marchande une chose ou une relation qui ne l’était pas auparavant.
Tournée vers l’accumulation et le profit, la marchandisation concerne à la fois les produits et affecte les processus et les rapports de production.
Finalement, si on a une certaine familiarité avec la majorité des biens que l’on consomme, la consommation de certains biens présente le risque de ne pas répondre adéquatement à nos besoins ou nos désirs. On parle alors de biens d’expérience.
Bien dont on ne peut estimer la qualité que lorsqu’on l’a consommé.
« Reflet de l’importance qu’un individu attache à un bien, compte tenu de son aptitude à satisfaire un besoin économique. L’utilité en économie est un concept important qui permet, entre autres, de déterminer les fonctions de demande des consommateurs. »
Utilité qu’un agent économique retire de la consommation d’une quantité supplémentaire d’un bien.
L’utilité marginale varie également selon l’utilisation d’un bien dans la durée.
On considère généralement que l’utilité marginale est décroissante : l’utilité d’un bien décroit au gré de l’augmentation de la quantité consommée.
Effet d’un bien qui favorise un agent en augmentant son utilité ou en lui apportant un bénéfice, un avantage, sans contrepartie monétaire.
Effet qui désavantage un agent en réduisant son utilité ou en lui apportant un dommage, sans compensation.
« Caractéristique des biens économiques qui n’existent pas à l’état naturel en quantité illimitée. S’entend de manière plus claire lorsqu’on considère le caractère illimité des besoins humains. »
« L’économie, c’est fondamentalement la question de la répartition. Pourquoi ? Parce que la question du partage est liée à celle de la rareté, et que, sans rareté, il n’y a pas de problème économique. […] Les économistes ont occulté la question du partage. Ils parlent de marchés, de besoins, de services, d’offre et de demande, sans se demander d’où viennent ces biens, ces services, ces besoins, ces marchés, ni pour qui ils ont été créés. Ils ont aussi occulté la question du pouvoir. »
Bernard Maris (Antimanuel d’économie, 2003)
La rareté estimée d’un bien contribue à déterminer sa valeur d’échange.
La valeur des biens non-reproductibles est liée plus fortement à leur rareté que celle des biens reproductibles, dont la valeur est plus fortement liée au travail nécessaire à leur reproduction.
La rareté dépend également des conditions d’accès, des processus de production, des modes de distribution, des règles de partage, ou des technologies employés dans l’exploitation des ressources, la production des biens ou la reddition des services.
Si, en principe, la rareté se fonde sur les limites naturelles, il semble que les caractéristiques sociales et politiques de la rareté comptent désormais plus que les spécificités naturelles, lesquelles semblant très peu considérées dans les décisions des agents économiques.
La rareté a pour corollaire la notion de rendement décroissant qui rend compte du principe voulant que plus on exploite une ressource ou le travail d’une personne, moins son rendement sera élevé.
Un rendement décroissant est synonyme de l’augmentation du coût moyen d’un bien. Au contraire, un rendement croissant signifie généralement la baisse du coût moyen d’un bien.
Le coût d’opportunité désigne les bienfaits, les gains potentiels d’une décision économique (investissement, consommation, etc.) par rapport à une décision différente, à l’emploi différent d’une ressource économique.
Le coût d’opportunité est lié à la rareté du moment où tout choix, toute décision économique nous prive de tous les autres choix possibles.
D’un côté, la valeur peut prendre un caractère subjectif, personnel, intime, voire sentimental, et dépendre des individus, de la situation, du moment et du lieu. La valeur concrète ou anticipée d’un bien varie selon différentes échelles et peut être difficile à quantifier.
« […] la plupart du temps, le possesseur d’une chose ne lui attribue pas la même valeur que celui qui souhaite l’acquérir : chacun, c’est là un fait notoire, estime à haut prix les choses qui lui appartiennent en propre et celles qu’il donne. Il n’en est pas moins vrai que la rémunération fournie en retour est évaluée au taux fixé par celui qui reçoit la chose. Mais sans doute faut-il que ce dernier apprécie la chose non pas à la valeur qu’elle présente pour lui quand il l’a en sa possession, mais bien à la valeur qu’il lui attribuait avant de la posséder. »
D’un autre côté, la valeur attribuée aux biens dépend des consensus établis plus ou moins collectivement, selon des critères historiques et géographiques et selon la rationalité, la culture, les logiques propres aux différentes sociétés.
La valeur des biens est déterminée socialement à travers les processus d’échange. Elle agit comme la marque de l’équilibre entre l’offre et la demande, les besoins et la capacité de production, les désirs et la rareté, etc.
« Ce n’est donc pas l’utilité qui est la mesure de la valeur échangeable, quoiqu’elle lui soit absolument essentielle. Si un objet n’était d’aucune utilité, ou, en d’autres termes, si nous ne pouvions le faire servir à nos jouissances, ou en tirer quelque avantage, il ne posséderait aucune valeur échangeable, quelle que fit d’ailleurs sa rareté, ou quantité de travail nécessaire pour l’acquérir. Les choses, une fois qu’elles sont reconnues utiles par elles-mêmes, tirent leur valeur échangeable de deux sources, de leur rareté, et de la quantité de travail nécessaire pour les acquérir. »
La valeur d’un bien dépend finalement, objectivement, de la quantité de travail, direct ou indirect, nécessaire à sa production, et à la production de ses moyens de production (et ainsi de suite…).
La valeur d’un bien est déterminée en fonction du temps total de travail socialement nécessaire à sa production.
« Le quelque chose de commun qui se montre dans le rapport d’échange ou dans la valeur d’échange des marchandises est par conséquent leur valeur ; et une valeur d’usage, ou un article quelconque, n’a une valeur qu’autant que du travail humain est matérialisé en elle.
Comment mesurer maintenant la grandeur de sa valeur ? Par le quantum de la substance « créatrice de valeur » contenue en lui, du travail. La quantité de travail elle-même a pour mesure sa durée dans le temps, et le temps de travail possède de nouveau sa mesure, dans des parties du temps telles que l’heure, le jour, etc.
On pourrait s’imaginer que si la valeur d’une marchandise est déterminée par le quantum de travail dépensé pendant sa production plus un homme est paresseux ou inhabile, plus sa marchandise a de valeur, parce qu’il emploie plus de temps à sa fabrication. Mais le travail qui forme la substance de la valeur des marchandises est du travail égal et indistinct une dépense de la même force. […]
Normalement, la loi des rendements décroissants arrête la société. Dès que j’ai utilisé la terre disponible, je m’arrête. Idem lorsque j’ai utilisé mon travail et mon capital. Or si je veux créer un marché, il faut que d’une certaine manière je crée de la rareté : par la rigueur (l’argent est rare et cher), par l’épargne (le capital doit être rare et cher), par les besoins nouveaux que la publicité doit stimuler sans cesse pour créer de nouvelles frustrations, donc de nouveaux phénomènes de rareté.
Et pourtant, malgré la rareté, il y a croissance. Pourquoi ? Parce que de nouveaux marchés, de nouvelles frustrations et de nouveaux besoins sont créés sans cesse par les capitalistes et parce que des inventions – le progrès technique – permettent de mieux utiliser l’énergie des hommes et de la terre, et retardent l’épuisement des facteurs de la croissance, l’épuisement du travail. Mais surtout, contre les rendements privés, partiels, marginaux décroissants, se manifestent des rendements collectifs (ou d’échelle) croissants: le progrès technique, l’éducation des peuples, l’organisation du travail, la formation à de nouveaux langages, facteurs de productivité, comme l’informatique. L’abondance du collectif combat la rareté du privé. »
Bernard Maris (Antimanuel d’économie, 2003)
« Le problème posé à l’Occident et au monde en tant qu’il s’occidentalise est le suivant : comment a-t-on pu penser un univers social comme le nôtre dans lequel font loi la préférence que chacun s’accorde à lui-même, l’intérêt qui l’anime à entretenir des relations avec autrui, voire l’utilité qu’il représente pour les autres ?
Quels sont les modes de raisonnement, les types d’anticipation, les moyens d’écarter les objections qui ont permis d’imposer cette manière très paradoxale de voir et ont inscrit dans le corps même des sociétés cette logique dans laquelle apparemment nous sommes désormais tous embarqués ? Comment, par-dessus tout, a-t-on pu penser et agencer le gouvernement d’un monde social composé d’êtres qui revendiquent la pleine légitimité d’obéir d’abord à leurs propres intérêts avant l’intérêt collectif, ce qui pourrait facilement passer, au regard des autres morales sociales, pour une étrange “transvaluation des valeurs”. »
Christian Laval
(L’homme économique. Essais sur les racines du néolibéralisme, 2007)
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