« Depuis une dizaine d’années nous observons la montée en puissance des technologies numériques en réseau, qui peuplent notre quotidien : sociabilité ordinaire, travail, divertissement, éducation. L’ensemble de nos activités impliquant une action communicationnelle – c’est-à-dire la quasi-totalité de notre vie sociale – est peu à peu colonisé par des dispositifs numériques. Appareils, réseaux, services en ligne deviennent les adjuvants utiles mais aussi envahissants de notre vie personnelle et professionnelle ainsi que de notre expression publique. Or ce processus a lieu dans une économie globalisée et dérégulée qui favorise la concentration extrême de ressources. On est donc loin de l’idéal tant encensé par le passé d’un média par essence démocratique, participatif et décentralisé, un idéal présent notamment dans les discours autour de l’émergence supposée d’un « Web 2.0 ».
Au contraire : au cours des dernières années, l’internet est devenu un champ de compétition acharnée entre entreprises multinationales, institutions politiques et groupes sociaux pour la distribution du pouvoir sur les canaux de communication numériques. Par conséquent, la forme actuelle de l’internet ne doit rien à [des] caractéristiques techniques supposément intrinsèques […], mais résulte des relations complexes entre acteurs dont les intérêts économiques et politiques sont à la fois puissants et antagoniques. Dans ce contexte, quelques multinationales, autrefois start-up sympathiques, sont devenues en quelques années les acteurs d’un oligopole qui régit le cœur informationnel de nos sociétés au point qu’un acronyme leur soit désormais dédié : GAFAM, constitué des premières lettres de Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. »